Confusément dans mes débuts, et délibérément après,
j'ai voué à la peinture tout ce qui pouvait en moi,
devenir matière utile à transformer en termes d'image.
Mon désir de peindre est né très tôt,
dans les blessures de l'enfance.
Désir presque tactile,
qui s'accompagnait d'une fascination du "beau",
d'une attirance irrépressible
d'accéder à traduire par mes propres gestes,
cette beauté de l'ineffable répandu généreusement
dans les êtres et les choses.
Tout oeuvre est un voyage,
un long cheminement parfois douloureux,
mais toujours fécond en précieuses découvertes.
Le mien comporte des mots à foison, 
des milliers de pages, des chutes répétés,des révoltes.
D'aussi loin que je me souvienne,
et dans les heures que je n'accordais pas à la peinture,
c'est au livres qu'est allée ma préférence.
Il m'ont aidé à pénétrer dans le merveilleux et dans le silence,
en voyageuse solitaire,
avec un étrange sentiment de plénitude,
faire oubli de moi, pour mieux me retrouver.
Je considère la surface de la toile comme un miroir,
un livre ouvert prêt à être lu.
Lecture de ce que je vis,
de la réalité qui m'entoure, des textes et des images
faits par d'autres, et qu'en les aimant,
j'apprivoise comme miens.
En somme, traduire ce qui ne peut s'exprimer autrement
que par le coeur et la main qui exécute.
L'acte de peindre est un éternel présent.
Moment rare et unique,
difficile à transmettre par la parole;
une sorte d'ascension vers les cimes.
Que dire de ma peinture ?
Elle subi des nombreuses métamorphoses
depuis le jour où maladroitement
j'ai mélangé mes premieres couleurs 
et abandonné définitivement le crayon pour le pinceau,
le chiffon, l' éponge et même mes propres doigts.
Je travaille mes images par séries qui se succèdent
en s'engendrant les unes aux autres.
Des éléments épars qui grandissent hors controle
pour devenir des signaux dans ce processus
complexe et déroutant qu'est la création.
Je dois au Japon et à son sens aigu du beau,
des moments inoubliables de plaisir,
d'apprentissage, de réflexion, de communion aussi.
Le sentiment d'avoir été comprise dans mon labeur d'artiste,
dans ce que je suis.
Le Japon ancien m'a guidée vers la Chine du passé.
Ce fut une rencontre inévitable.
Ensemble ils ont constitué les bases
sur lesquelles je pus me construire
et concevoir mon travail.
Un lien solide, d'une richese inépuisable,
une mystérieuse résonance qui a été
mon refuge et ma délivrance,
pour qu'aujourd'hui je puisse voir mes images
s'épanouir dans le regard, suivant la sinueuse et ondulante
vibration de la Vie.

L. Viso

Paris, novembre 2014